MOTS A NE PAS DIRE A L'ENFANT

Voici une liste de mots blessants et destructeurs à éviter quand on s’adresse aux enfants (et des propositions pour trouver des mots justes et bienveillants) :

Les adjectifs dévalorisants (tu es nul) et prophéties défaitistes (tu n’y arriveras jamais)

Ces adjectifs et ces prophéties ont un effet autoréalisateur.

Un enfant risque d’intérioriser des remarques du type « Ce n’est pas un cerveau que tu as, c’est une passoire ! », « C’est pas compliqué à comprendre pourtant ! », « Je ne sais plus quoi faire de toi ! » et de se convaincre qu’il n’est effectivement pas capable d’apprendre. Les psychologues parlent d’impuissance apprise (ou de résignation acquise) car c’est à force d’entendre qu’il n’est pas intelligent, qu’il n ‘arrivera à rien que l’enfant refuse de travailler.

Les attentes et croyances sur les compétences et le potentiel d’un enfant modifient donc son évolution et ses compétences.

Pour transformer un “mauvais” élève en bon élève, comportez vous comme s’il était bon ! C’est valable en dehors de l’école : considérer que les enfants sont bons et qu’ils ont toujours une bonne raison d’agir comme ils le font change la façon dont ils se comportent.

Le “Tu” accusateur

C’est ce que Jacques Salomé appelle la “communication klaxon” : tu, tu, tu. Quand on parle sur l’autre, on ne dit pas ce qui est touché en nous, ce qui se passe en nous. On gagnerait à parler de nos émotions et de nos besoins, à exprimer notre vécu et notre ressenti plutôt que critiquer ou accuser l’autre.

Exprimer notre ressenti passe de l’utilisation du « tu » à celle du « je» :

« Je suis démuni(e)/ triste/ inquiet(e)… quand… »

« Je suis inquiet/inquiète et c’est vrai, j’ai peur de (l’éloignement/ te perdre/ que tu aies un accident…). Je voudrais… et c’est pour cela peut-être que j’ai envie de… »

« Je suis fatigué ce soir, le bruit que tu fais m’est insupportable »

« Fais donc attention, tu vas faire mal à ton frère » deviens « je crains pour ton frère, je te demande d’arrêter de jouer de cette façon »

Le “On” généraux et les mots impersonnels

Utiliser “on” et des mots impersonnels entraîne une communication dépersonnalisée et froide.

Le “on” ne permet d’impliquer ni celui qui émet le message ni celui qui le reçoit. L’émetteur et le récepteur du message gagneraient tou sles deux à passer du « on » au « je ».

Nous utilisons tous fréquemment des formules comme « maman va te donner à manger, « papa va se fâcher » ou « les enfants, venez voir la maîtresse/ le maître ». Or ce discours sous-entend que nous avons besoin de jouer un rôle, d’abandonner notre « je » pour devenir papa, maman ou enseignant.

Quand nous évacuons le « je » de notre discours, l’enfant se retrouve devant une figure d’autorité et non plus devant un homme ou une femme qu’il aime. Plus nous nous investirons dans nos relations avec les enfants en tant que personne et en assumant nos « je », plus nous faciliterons la communication avec eux. Imaginez votre tête si votre enfant venait vous dire « Ton fils/ ta fille t’aime » !

Les étiquettes (tu es…) et les généralités (toujours, jamais, vraiment)

Voici un tableau d’exemples pour remplacer les étiquettes par des besoins (extrait du livre Responsabiliser son enfant de Germain et Martin Duclos) :

étiquettes enfants

Les retraits d’amour et le chantage affectif

Les retraits d’amour et le chantage affectif sont les derniers retranchements des parents qui se réfugient maladroitement derrière le pouvoir absolu qu’ils possèdent (y compris le droit de privation d’amour). C’est la personnalité de l’enfant qui est rejetée en bloc et ces phrases fragilisent le lien de confiance parents/ enfants :  j’en ai marre de toi; je ne t’aime plus; si tu continues je t’abandonne; heureusement que je t’aime sinon je ne ferais pas la moitié de ce que je fais pour toi. 

Le “Je te l’avais dit !”

Quand on souligne que l’interlocuteur a tort, on ne l’aide pas à développer son autonomie et son estime de soi.

Dans ce cas, on pourrait plutôt demander comment faire la prochaine fois, voire ne rien dire du tout : c’est la vie et l’expérience vécue, intériorisée qui donne la leçon.

Le jugement et la critique

Marshall Rosenberg, fondateur de la Communication Non Violente, écrit qu’on finira toujours par payer d’une manière ou d’une autre une critique, un jugement.

Les suppositions, déductions ou interprétations à la place des autres

Les Quatre Accords Toltèques nous invitent à ne pas faire de suppositions mais à plutôt poser des questions et à exprimer nos émotions, nos besoins. Nous pouvons choisir d’aller chercher la vérité, de comprendre les motivations des uns et des autres, d’accueillir les émotions.

Il est plus constructif et profitable de raisonner en termes de besoins des enfants plutôt que de poser des étiquettes dévalorisantes qui mettent l’accent sur les comportements inappropriés.

Chaque difficulté de comportement chez un enfant peut être reliée à un ou plusieurs besoins non comblés.

Les conseils : “tu devrais”, “il faudrait que…” et les solutions toutes faites

Selon Thomas Gordon, les conseils, les suggestions, les solutions sont souvent ressentis par l’enfant comme la preuve que les adultes n’ont pas confiance en son jugement ou en sa capacité de trouver ses propres solutions.

Ces messages peuvent créer :

une dépendance (les enfants ne sont pas capables de décider par eux-mêmes ce qu’ils devraient faire et cherchent toujours conseils et approbations sans oser prendre d’initiatives),

un sentiment d’infériorité (“pourquoi je n’y ai pas pensé ? les autre savent toujours mieux que moi !”),

une attitude de rejet (“laisse moi faire tout seul”),

l’habitude de consacrer son temps à lutter contre les idées des adultes, ne laissant aucune opportunité pour élaborer les leurs.

On pourrait à la place accueillir les émotions des enfants sans chercher à trouver une solution à leurs problèmes, leur poser des questions ouvertes pour leur permettre d’accéder à leurs propres idées, demander la permission de leur donner un conseil, leur demander ce qu’ils en pensent.

Le “mais” qui annule l’accueil des émotions

Quand on relève ce qui va bien ou quand on accueille des émotions, relever ce qui ne va toujours pas annule l’effet positif.

L’abus de négations, d’injonctions et d’interdictions

On peut choisir nos batailles et réfléchir à ce qui motive nos refus.

Les formulations positives ont par ailleurs plusieurs avantages :

être mieux traitées par le cerveau des enfants car les cerveaux immatures n’entendent pas la négation (“ne touche pas” devient “touche”)

transformer les interdits en consignes, en règles.

Les mots croyances ou idées reçues pessimistes ou négatives

Des mots comme “C’est comme ça !”, “Dans la famille, on est nul en math”, “La vie est dure” ou “On n’a pas le choix !” participent à construire des idées préconçues défaitistes sur la vie.

Or les enfants naissent avec l’espoir qu’il y aura dehors quelque chose à découvrir et à faire. Les enfants humains veulent trouver des choses qui les feront grandir, qui les rendront autonomes. Réduire à néant ces attentes a un impact négatif sur leur bon développement et a un côté enfermant, qui ne conduit ni à l’éclosion du potentiel ni à une personnalité curieuse, confiante, optimiste.

La négations des émotions

Les émotions ont un rôle souvent négligé dans le psychisme humain. Isabelle Filliozat utilise l’expression « émotions guérissantes » dans le sens où c’est l’expression de l’émotion qui est guérissante.

L’émotion est une réaction physiologique de notre organisme : c’est le déluge d’hormones qui préparent notre corps et l’aident à faire face à une situation donnée.

Sans émotion, nous ne serions pas vivants. Les émotions sont des états, elles ne sont donc pas des traits de caractères. Un enfant qui pleure n’est pas un enfant pleurnichard ou faible : il pleure pour décharger la tension en lui.

L’émotion est une structure en 3 étapes :

la charge : quand ça monte à l’intérieur, quand on ressent les sensations corporelles liées à l’émotion (gorge sèche, rythme cardiaque qui s’accélère…).

la tension : on utilise l’énergie de l’émotion dans une action, une parole, un comportement.

la décharge :  le moment où l’on pleure, crie, tremble… La décharge n’est que la 3° partie de l’émotion, c’est l’étape qui permet le retour au calme.

Quand on est face à un enfant, il s’agit alors de ne pas empêcher cette 3° étape qui est souvent confondue avec l’émotion elle-même. L’enfant a besoin de se décharger pour ne pas rester en tension. Comme cette tension n’est plus utile, elle doit pouvoir sortir du corps en s’extériorisant.

Ce n’est pas la souffrance des frustrations de l’enfance qui entraine des troubles psychiques, de la violence ou des rapports de force, mais plutôt l’interdiction de cette souffrance, l’interdiction de vivre, de verbaliser et de dire la douleur des frustrations subies, interdiction qui émane de l’éducation et des parents (sous forme d’injonctions comme « ne pleure pas », « on ne se plaint pas », « tu pleures pour ça ? », « arrête ton caprice », « c’est rien », « bouh, le bébé qui pleure », « t’es pas beau/belle quand tu pleures », « si tu te mets en colère, tu seras puni/e », «c’est pas grave »…).

Quand l’enfant n’a pas le droit d’exprimer ses frustrations, il doit réprimer ou nier ses réactions affectives, qui s’amassent en lui jusqu’à l’âge adulte pour trouver alors une forme d’exutoire déjà différente (pouvant aller de troubles psychiques mineurs jusqu’à la toxicomanie ou encore le suicide, en passant par la violence éducative ordinaire).

Les doubles messages et les messages non alignés 

Nous envoyons parfois des messages contradictoires : “Dis bonjour à la dame !” et “Ne parle jamais à des inconnus !”.

Nous sommes des êtres partagés par des désirs et des peurs contradictoires et nous pouvons reconnaître nos peurs et nos sentiments ambivalents.

« C’est vrai que je suis heureux/se de ton choix de partir à Paris pour tes études. En même temps, je me fais du souci. »

Remplacer les mots non respectueux ou blessants par des mots bienveillants et valorisants a donc un double avantage :

renforcer l’estime de soi des enfants et assurer un développement humain sain,

propager la communication non violente par l’exemple et la contamination.